Skyhawk 64EF // Partie 7 sur 8 // 4 au 6 juin 2014

17ème jour, 4 juin      “Dernière montagne”

Gillette (WY) – Black Hills Clyde Ice Field (SD)
11h15 LT – 12h42 LT (UTC -6/-6)
Durée : 1h27

Le front s’est éloigné devant moi. La tempête d’hier soir n’est plus qu’un mauvais souvenir. 
Aujourd’hui, je vais partir pour Pierre, survoler le Missouri et dormir au bord de ce fleuve … si la météo me le permet. En effet, je rattrape, à chaque fois, le mauvais temps. Les nuages devraient apparaître à mi-chemin et le plafond s’abaisser petit à petit. On verra bien. 
Un joli petit trajet qui me ramène totalement sur le grand plateau. Je vais quitter les dernières montagnes avec nostalgie.
Je n’ai pas passé une très bonne nuit. Il faisait trop chaud dans la chambre. Il y avait bien la climatisation, mais elle faisait un bruit terrible et en plus j’aurais eu peur d’attraper froid.
Le petit déjeuner dans ce relais routier me fait sourire. C’est spartiate. De grands gaillards (les routiers) prennent des Corn Flakes multicolores, comme des gosses de 5 ans.
Je prends mon pick-up et traverse la ville au petit matin. C’est calme.

Je prépare N64EF, le nettoie, lui parle,
le remercie de m’avoir amené aussi loin.

Je prépare Skyhawk N64EF, le nettoie, lui parle, le remercie de m’avoir amené si loin. J’espère que lui aussi en profite. Je vérifie son huile, j’en rajoute un peu.
Direction l’est. Les paysages sont de nouveau de toute beauté. C’est vert à perte de vue. Des prairies… j’imagine les bisons.
Je quitte le Wyoming pour le Dakota du Sud et je vais passer au nord des montagnes où se trouvent les têtes des présidents dans le mont Rushmore. Cela aurait été sympa d’aller les survoler, mais cela aurait fait un détour un peu long.
Les nuages apparaissent soudain en passant le petit aérodrome des Black Hills. Ce qui m’inquiète surtout est la hauteur à laquelle ils se trouvent, 1500 pieds au-dessus du sol. Cela va être proche de mon altitude de sécurité. Je suis à nouveau dans la plaine et le relief ne devrait plus être un problème. 
La couverture nuageuse se densifie et s’abaisse encore. J’avance un petit moment quand soudain, j’aperçois au loin, de manière diffuse, un obstacle qui traverse les nuages, sans doute une montagne !

Je fais tout de suite un demi-tour à 180 degrés et je décide de poser sur l’aérodrome de Black Hills. Dommage pour Pierre et le Missouri, mais je ne vais pas prendre de risque. Il est vrai que je n’étais pas loin, mais la visibilité était trop limite. 
En arrivant sur l’aérodrome, je retrouve un ciel bien dégagé.  Etonnant, la vitesse des changements météorologiques ! Je le survole pour déterminer la piste en service. Le vent est faible, mais un peu de travers. Je décide de prendre la piste 31. 
Comme à Farmington, lorsque j’arrive en courte finale pour atterrir, je me sens poussé assez fortement dans le dos et je glisse de nouveau sur la piste sans pouvoir poser les roues. Par ailleurs, elle a un dénivelé descendant assez prononcé, ce qui aggrave encore les choses. Je remets les gaz, remonte et dois faire un virage à 45 degrés vers la gauche relativement tôt, car il y a une colline en face. Je reprends de l’altitude pour rentrer dans le circuit de la piste 13. Je contourne la colline pour m’aligner et cette fois l’atterrissage se passe sans problème. Étonnamment, la piste est aussi en descente dans sa première partie. En fait, elle a la forme d’une cuvette.

La neige était encore présente,
il y a une quinzaine de jours.

Je me parque devant un hangar, pensant que c’est le FBO. Le bureau est minuscule et encombré d’objets en tout genre. Je demande à un jeune mécanicien si je peux me connecter au WIFI pour m’informer des conditions météorologiques à venir. Il me donne un code long comme mon bras. Je dois m’y reprendre à plusieurs fois pour y accéder. Je découvre que je suis en fait dans une petite entreprise de maintenance d’avions et que le FBO est un peu plus loin. C’est là-bas que je dois aller prendre de l’essence et que je vais laisser l’avion pour la nuit. 
Je trouve une chambre tout près de l’aérodrome et une navette vient me chercher. 
J’explique au chauffeur à quel point je trouve leur région magnifique et verdoyante. Il m’explique que cela ne durera que quelques semaines. La neige était encore présente il y a une quinzaine de jours et dans les quinze prochains tout devrait être brulé et donc jaune. J’ai de la peine à le croire. 
Pas de ballade au bord du Missouri ce soir. Dommage !

Cette nuit, la tempête va s’abattre sur les villes qui sont devant moi, dont Pierre. 
Demain, la journée s’annonce radieuse. Je veux voir cette montagne que j’ai aperçue devant moi et que j’ai eu de la peine à discerner sur la carte.


18ème jour, 5 juin      “Mississipi River”

Black Hills Clyde Ice Field (SD) – Mitchell (SD)
08h21 – 11h48 LT (UTC -6/-5)
Changement de fuseau horaire
Durée : 2h27

J’ai eu une grosse surprise ce matin au petit déjeuner. Disons, qu’il a été copieux. J’ai commandé trois pancakes. Quand la serveuse me les apporte, je manque de tomber de ma chaise. Chaque pancake fait 20 cm de diamètre et 1 cm d’épaisseur ! Autant dire que j’ai à peine réussi à en avaler un.
C’est le ventre bien rempli que je me rends à l’aérodrome.
J’ai dû réadapter mon plan de vol et j’irais donc à Sioux Falls aujourd’hui. Je n’ai aucune idée de ce que je vais trouver. Si je peux faire un second leg, je le ferais. J’aimerais prendre de l’avance. J’ai peur de me faire bloquer par les fronts successifs.

La montagne que j’ai aperçue sous les nuages…
est en fait peu élevée.

J’en souris, mais elle m’a fait peur.

Je survole Sturgis où se déroule chaque année l’un des plus grands rassemblements d’Harley Davidson. J’ai vu une émission sur le sujet hier soir. Ce truc a l’air complètement dingue. Cela me fait penser à Daytona Beach et sa fameuse Bike Week. Une petite ville envahie par des milliers de gens. Encore qu’à Daytona, il y a les infrastructures. Sturgis, elle, est minuscule. Un gars installe un camping géant pour accueillir les bikers et les autorités dépêchent des milliers de policiers pour les encadrer. Je pense que tout le monde s’amuse bien.
La montagne, que j’ai aperçue sous les nuages hier après-midi et qui m’avait fait faire demi-tour,  est en fait peu élevée et surtout la seule dans la région ! J’en souris, mais elle m’a fait peur. Je dirais même que c’est plus une colline. C’est surtout le dernier monticule avant les plaines. De longues heures de vol en perspective sur la fastidieuse “Platitude”.

Je traverse le Missouri juste au-dessus de la ville de Chamberlain. Magique ! Les plaines sont là maintenant. Il n’y a plus grand-chose à voir. 
Il y a de nouveau ce front devant moi et l’aéroport de Sioux Falls est en condition IMC, c’est-à-dire que je n’ai pas le droit d’y aller. Je me déroute vers Mitchell et je vais attendre un peu pour voir comment ça évoluera. Et voilà, encore une diversion. C’est bien, cela montre que je suis toujours prêt et bien organisé. 
J’en profite pour faire le plein et m’assoupir sur un banc, c’est le calme, la plénitude, le farniente. La vie est dure. Je me suis à nouveau donné une heure limite pour continuer. Et voilà, elle est dépassée et je reste donc à Mitchell, nouvelle étape imprévue dans mon voyage. Il faudra que je compare mon plan initial et mon parcours final. Je me demande si je ne l’ai pas modifié à plus de 80 %.

…l’année précédente,
un village de 1200 âmes a été
entièrement détruit par une tornade.

Le chauffeur de la navette de l’hôtel fait un détour par le centre-ville pour me montrer le palais du maïs (Corn Palace), qui ressemble à un palais russe (https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Corn_Palace). C’est une sorte de salle communale dont les murs extérieurs sont des tableaux montrant des scènes de la vie agricole et qui sont fait à partir de maïs. Ce lieu semble très important dans la région. Je n’arrive pas à dire si c’est beau. Je dirais qu’il est étrange. Il me raconte que, l’année précédente, un village de 1200 âmes a été entièrement détruit par une tornade. Son rayon était de plus d’un kilomètre et demi. Cela a dû être effrayant (je n’ai pas réussi à retrouver le nom de ce village).
La nuit va être terrible. La région sera inondée par des pluies et des grêles diluviennes. De petites tornades vont se déclencher, mais qui n’auront aucune conséquence grave. 

Je suis à l’abri. N64EF est dehors, j’espère qu’il n’y aura pas de dégât. 
Demain, je veux m’échapper de Tornado Alley.


19ème jour, 6 juin      “Jonathan le …”

Mitchell (SD) – Waterloo (IA)
09h24 – 12h07 LT (UTC -5/-5)
Durée : 2h43

Aujourd’hui, je voudrais faire, si cela est possible, deux trajets. Je vais sortir de l’allée des tornades et les fronts devraient se calmer (ce qui ne sera pas le cas jusqu’au bout du voyage). 
Je rentre aussi dans la partie plate des Etats-Unis, cela va être long et un peu ennuyeux, car il n’y a plus aucun relief. Je ne verrais que des champs à perte de vue. Waterloo sera une halte pour prendre du fuel, avant de me diriger vers Chicago.

Des tornades se sont déclenchées,
mais elles n’ont pas fait de dégâts.

Il n’y a rien de particulier dans ce premier vol. Je commence à avoir hâte de rentrer. J’ai le sentiment d’avoir fait le plus beau et l’essentiel, d’avoir regagné en expérience de vol, but premier de ce périple. J’attends les Appalaches et à nouveau du relief, mais ce sera dans trois jours. Je vais aligner les miles et avancer rapidement vers l’est. Les seules difficultés majeures que je devrais rencontrer se trouvent autour de Chicago et de Cleveland, à cause d’espaces aériens saturés. 
Sioux Falls, juste devant moi, a subi d’énormes tempêtes la nuit dernière. Des tornades se sont déclenchées, mais elles n’ont pas fait de dégâts. Je pensais que ce genre de phénomènes était exceptionnel. En fait, cela n’est pas le cas. Je ne regarderais plus jamais ces régions du même œil.

Je survole des champs cultivés à perte de vue. Je peux voir les trajectoires des tornades des jours précédents. Elles ont laissé des traces noires dans les blés. On voit bien que leur trajectoire est relativement aléatoire.
Mais j’ai de la chance, le ciel est au bleu, Grand Bleu. 
J’arrive à Waterloo et je découvre dans le FBO, que cet aérodrome était la base de Jonathan Livingstone, célèbre pilote des années 30, qui a repoussé les limites du vol à son époque et qui a gagné un nombre de courses incroyables. Il y a des trophées partout. C’est lui qui a inspiré Richard Bach pour son merveilleux livre “Jonathan le Goéland”. C’est un joli moment d’histoire aéronautique.

Sur un banc, juste à l’extérieur du FBO, en face du tarmac est gravée une jolie phrase : “To most people, the sky is the limit. To those who love aviation, the sky is home. (anonymous)”. C’est vrai, je me sens à la maison dans le ciel. Suis-je un déraciné du sol ?
Fuel, météo, Notams, plan de vol, la routine… Attention à ne pas faire de bêtises !
Direction le lac Michigan, Gary-Chicago, l’Indiana, un état que j’ai traversé à l’aller, mais plus au sud.

Cela sent vraiment la fin du voyage. 
Profiter du moment présent.


Waterloo (IA) – Gary Chicago (IN)
14h25 – 17h01 LT (UTC -5/-5)
Durée : 2h36

Je vais passer au sud du Lac Michigan. J’aurais pu aller tout droit et le traverser, mais j’ai hésité un moment. 50 miles, ce n’est pas grand-chose. Sauf, qu’en cas de panne au milieu de lac, il n’y aurait pas d’échappatoire et je n’ai pas de gilet, ni de canot de sauvetage. Trop risqué, même s’il y avait une chance sur un million que mon moteur s’arrête. 
Le vol est d’un calme… presque ennuyeux. Je chante “I believe I can fly…” et je raconte des bêtises. Je dois chanter juste pour une fois, car il ne pleut pas (ces vidéos ne peuvent pas être montrées ou alors contre une grosse rémunération et en face à face).

Cela est devenu presque trop facile de voler dans ces conditions.
Je m’approche de Chicago, la visibilité est mauvaise. Trop de poussière, de pollution, une pression trop haute ? Dire que j’avais contacté une école pour venir voler ici. Dieu soit loué, je ne l’ai pas fait. Il n’y a aucun relief !
L’aéroport de Gary Chicago est étrange, il est vide. J’ai de la peine à trouver le FBO, car il y a beaucoup de chantiers. Je me trompe de chemin sur le tarmac et je me fais rappeler à l’ordre par le contrôleur. Je dois rebrousser chemin et prendre le bon taxiway. Un petit détour. OK, le monsieur de la tour de contrôle est perfectionniste. Surtout, je vais l’apprendre plus tard, il n’y a plus d’avions de ligne depuis 6 mois sur cet aéroport.

Un gars du FBO arrive avec une voiture de golf pour me prendre en charge. Il m’attend et m’emmène dans son véhicule jusqu’à une porte grillagée de l’aéroport. La distance est de 20 m ! Je suis un peu gêné par tant de luxe !
On me trouve un hôtel et une dame du FBO m’y amène avec un 4X4. J’ai un sentiment d’abandon, de fin du monde. Les routes sont dans un état lamentable. Il y a des nids de poule partout et elles sont déformées.

En fait, je suis arrivé dans l’une des villes les plus dangereuses des Etats-Unis. La misère se fait sentir partout. C’est la grande, très grande dépression. J’apprendrai plus tard que Gary Chicago est la ville natale de Michael Jackson, mais que c’est aussi l’une des villes les plus violentes des Etats-Unis.
Quand on lit sur Wikipédia, l’histoire récente de la ville, on ne peut qu’être affolé par sa dégringolade économique et démographique. (https://en.wikipedia.org/wiki/Gary,_Indiana).
Le soir, je vais manger au Casino. Cela sent toujours autant la déprime. Je dois traverser un très long couloir entre l’hôtel et le casino. Je ne suis pas rassuré, car il n’y a personne. Suis-je parano ?
Il y a un immense paquebot à quai. C’est étrange, car il est sur un lac et je n’ai pas l’habitude de voir de tel bateau sur le Léman. Pour moi, il devrait être sur la mer, mais le lac Michigan est immense.

Je me pose des questions. Pourquoi, personne n’investit dans ce lieu ? Est-ce parce qu’elle est majoritairement habitée par des Afro-Américains (plus de 90 %) ou y a-t-il autre chose ? Comment une ville peut-elle tomber aussi bas ? Qui est coupable ? J’ai de la peine à comprendre. Par contre, je ne ressens aucun racisme, les gens sont très agréables et accueillants.
C’est l’envers de Palm Springs et son clinquant too much ! Un résumé de la vie de Michaël Jackson, qui est né ici et qui est décédé en Californie, dans la région de Los Angeles !

Demain, petite pause. 
Je vais aller visiter Chicago.

 

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Marc Schwartz

Formateur d'adultes, diplomé de l'Université de Genève. Licence de pilote professionnelle américaine sur avion et hélicoptère. Licence de pilote privé avion européenne et licence ULM.

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